(LONDIARTY) we are young

Blythe ∞ Moriarty

La nuit ne faisait que commencer. Chemise blanche, veston noir, Mori portait l'élégance comme une seconde peau. Son beau visage rehaussé de paillettes donnaient à ses traits une espèce de flou changeant, de beauté divine qui n'était pas sans durcir son regard sombre à la lueur vaguement cruelle. Comme si, de dieu magnanime, il était devenu dieu implacable. Mais aucune notion de religion ne voguait dans son esprit : pour le moment, il se contentant de sourire, accoudé au bar, à la jolie serveuse. La demoiselle, dont il se rappelait le nom précisément mais auquel il était indifférent, gloussait devant ses longs cils et ses sourires pointus de chat. « Un whisky je vous prie» réclama t-il d'une voix traînante et grave. Il attrapa la serviette posée sur le bar, brodée des initiales du lieu, et la mit devant lui. Il l'observa avec curiosité, et c'était incongru de voir cet être calme et posé dans cette foule bigarrée, qui dansait, hurlait, mouvante et coincée dans le temps alcoolisé qu'elle pouvait s'offrir. « Merci» murmura t-il en se détournant du visage féminin, alors qu'elle posait devant lui le verre au liquide ambré.

La carrure se levant, imposante du haut de ses presque deux mètres, il fut orgueilleusement fier de voir certains regards se tourner vers lui. La fierté de l'acteur. La vanité de l'être. L'essence même de Mori était ce noyau qui voulait qu'on le voit, qu'on le regarde, qu'on l'adule. Il esquiva chaque corps, comme au ralenti, préférant contrôler ses mouvements, caressants parfois avec légèreté une main, une épaule. Son regard noir capta avec attention une silhouette, et mû par un réflexe, il alla s'asseoir à une table où quelqu'un était déjà installé. Avec un sourire félin, il se pencha et posa son visage sur son poing, à la fois imposant et curieux. « T'es tout seul, chaton ?» gloussa t-il avec amusement. Son regard était une invitation, mais en quelques secondes, il réalisa ce que cet homme était : un prédateur, comme lui. Non pas chaton mais lion. Son rictus s'accentua, et il eut l'impression que quelque chose vibrait en lui, en accord avec la musique de l'inconnu. Avait-il trouvé un compagnon de soirée, un second, un pilote nocturne ? Intéressant, songea t-il, alors qu'il avait l'impression que sa gorge ronronnait.

London ∞ Moriarty

Un visage enfantin se balade au milieu du club, des yeux fuyants, mais il est déjà trop défoncé pour se soucier des autres, pour penser à ça, il a assez bu chez lui pour oublier sa peur panique des autres, sa peur panique du toucher, il oublie avec un verre de vodka, il oublie quand il marche sur la route comme un idiot oubliant que les voitures peuvent passer. Ses yeux bleus océan fatigués, ses cernes marqués, son cœur percé. Ses cheveux noirs sont plaqués à l’arrière, ses yeux souligner d’un noir profond, ses lèvres roses de les avoir trop mordus ce soir. Il a l’esprit embrumé London, il a l’esprit engourdi par l’alcool, engluer par le son qui sort trop fort des basses, il a le corps tendu et les lèvres perdues sur son verre d’où émerge un cocktail bleu. Bleu, comme son jean, comme ses yeux, bleus comme son humeur et la couleur de ses cernes. Bleu curaçao. L’alcool descend dans son estomac, brûlant sa gorge au passage, ça brûle, ça fait du bien, l’alcool tue les sens petit à petit, l’alcool fait oublier, l’alcool fait rêver. Il rêve, c’est sa manière de survivre, il étouffe l’insomnie avec ses cachets, il rêve d’une petite fille, il rêve de couleurs vives, de cendres, il rêve de poissons et de perles, il rêve d’un trône et d’un ogre, et à ce moment-là il se réveille, paniqué, parce que cet ogre a les yeux de l’enfer, parce qu’il le connaît.

Subitement, on l’aborde, le chaton redresse la tête, les yeux dans le vide, l’âme torturée, les lèvres mordent et le regard profond. Il se ressent un vide abyssal quand on le regarde de près, on ressent sa peur, son envie de partir, son envie de rire et de mourir. Il relève la tête vers son interlocuteur, sans la moindre conviction, sans la moindre envie sauf celle de voir la voix trop rauque du mâle dominant devant lui. Est-il seul ? À ce qu’il paraît, oui, enfin, avec lui. « Étant donné que vous êtes là et du monde autour, non. » Ironie, sourire goguenard, rire enfantin qui sort de ses lèvres, mâle alpha, chaton qui devient grand, c’est l’affrontement de deux félins, inconsciemment, les yeux du plus jeune changent de jeune, passant d’un bleu profond à un vert iridescent, ses pupilles fendent le haut et le bas de ses yeux. Effet de lumière ? Non, juste le ressenti d’un enfant face à son supérieur. « Et vous, vous êtes seul ? » Une cigarette aux lèvres il demande, il allume, la fumée emplit ses poumons et il se calme, son chat intérieur aussi, ses yeux redeviennent humains, pas ceux qu’il a toujours eus, d’un vert foret il est passé à un bleu océan, il ne manquerait plus qu’une queue rousse apparaît subitement. « J'peux vous aider ? » Il soupir, libérant la cigarette de ses entraves et la glissant vers les lèvres de l’inconnu.