double compte : Le chat botté, London, le rebelle ténébreux aussi flippé qu'un chaton devant les gens.
ce conte a été posté le Mer 10 Fév - 18:11
T'es comme la lumière dans le noir, comme un diamant parmi les pierres, comme une solution à mon désespoir, comme une évidence à ma vie. #EsteriarUne robe, rose, sur ses épaules, masquant son corps trop pâle, lui faisant une poitrine qu’il n’a pas et qu’il n’aura jamais. Du rose, du blanc, des volants sur le tablier qui a été confectionné pour lui, des bas pour cacher son duvet blond présent sur ses jambes fines, ses baskets noirs qui sont toujours à ses pieds, des talons ? Très peu pour lui. Parce que oui, lui, celui qui est androgyne, qui semble être une vraie fille dans ces vêtements, celui aux cheveux roux flamboyant, celui qui a les lèvres roses comme un bonbon qu’on aimerait sucer, celui aux taches de rousseur qui le rajeunissent encore de quelques années, un enfant occupé à rêver, songer à ses promesses d’adultes, il a promis de n’oublier personne, de respecter les morts, de leur rendre hommage, parce qu’un gâteau porte le nom de sa petite sœur et un de son meilleur ami, parce qu’il a voulu rendre hommage, parce que même quand les larmes coulent il sourit, la tristesse, la peine, les médicaments qu’il ingurgite pour ne pas s’écrouler au travail, Lou et Luka, deux prénoms qui le hante mais qui lui donne la force de vivre encore, jusqu’à ce que les choses s’arrangent, jusqu’à ce que la vie soit plus clémente , jusqu’à ce qu’il retrouve cette identité perdue qui le ronge et dont il reçoit les flashs, sans cesse, sans interruption.
Esteban, il réfléchit, il ressent à s’en donner la migraine et à s’en éclater les genoux au sol, il fait sa sieste les bras croisés sur une table et sa maladie lui reprend momentanément sa vie. Esteban c’est un enfant capricieux, du haut de ses dix-neuf ans, il trouve qu’il en a vécu assez. Esteban il est pathétique dans cette robe de fille, il se trouve moche, trop grand pour ressembler à quelque chose dans cet accoutrement, trop ridicule pour se montrer, il ne manquerait plus que les larmes dévalant ses joues et le clou du spectacle serait annoncé. Blythe a bien réussi son coup, lui faire porter cet uniforme agaçant, ces frous-frous gênants, ces grelots à ses poignets le gênent quand il fait aller le fouet sur une crème pâtissière pas encore prise, tout fait à la main, qu’un ou deux appareils électroniques, parce que c’est comme ça qu’il cuisinait avec sa petite sœur, parce que ça lui tient à cœur.
Quand t'es loin, ch'uis pas bien. J'ai b'soin d'toi, d'te toucher, de tes bras. J'veux sentir ton odeur, et prouver ma valeur. J'suis qu'un sale chat, amoureux d'un presque rat.
Quand on veut du thé de qualité, chez qui doit-on aller ? C'était une de ces phrases qu'il avait murmuré à une oreille attentive et séduite, au point que le nom de cet établissement était ressorti. Il avait joué comme un chat jusqu'à en crever la pauvre proie, puis s'était détourné. Mais l'envie de thé ne passait jamais. Unique matière liquide qui franchissait ses lèvres avec plaisir - l'alcool ne comptait pas, il ne compte jamais, n'est-ce pas ? Il entre d'un pas conquérant, et les regards qu'on pose sur lui ne le gênent pas, semblent renforcer cet égo surdimensionné. Il offre des sourires qui illuminent ses yeux aux couleurs changeantes, tantôt onyx durs et lumineux, une autre fois d'un bleu-vert aquatique et inquiétant. Il passe une main séductrice sous son manteau de cuir et s'installe nonchalamment, avec cette grâce que beaucoup singent, mais que peu possèdent réellement. Une grâce féline, qui fait qu'il donne l'impression d'être partout chez lui.
Il a faim, il a soif. Il pourrait dévorer des montagnes entières. Il commande des gâteaux, et du thé, à la vanille. Une lubie, une folie du moment, démence de sucre, volonté du corps. Il ne prendra pas un gramme, l'injustice faite séduction. Puis son regard, autant attiré par la couleur que comprenant qu'il se passe quelque chose, observe avec stupeur et tremblement la silhouette longiligne qui approche et vient déposer comme des offrandes les pâtisseries. Il plisse les yeux, ses cils clignent. Une créature, sans sexe réel, de rose et de froufrous affublés, au point qu'on pourrait en rire, si ce n'était la joliesse des traits sous les boucles drues et rousses. Moriarty pourrait éclater d'un rire froid, parce que l'évènement est comique. Mais quelque chose en lui se retourne devant cette vision, et il se sent obligé de se lever. Il ignore le brouhaha des gens, à propos de cette fille. Il devine que c'est un homme. Un jeune homme, comme une fleur en bouton. Il le sait, il le sent dans ses gênes, dans la moindre de ses cellules, et cette limite des sexes a quelque chose d'excitant. Il se penche sur le comptoir, carnassier. Son sourire s'accroche quelques centimètres plus haut, dévoilant ses rangées de dents parfaites. « Oh oui, j'en suis sûr.» Le ton est joueur, mais surtout défiant, orgueilleux.
Il pose une main sur le comptoir, et saute par-dessus comme si il s'était s'agit d'un simple pas à faire au-dessus d'une flaque. Il rejoint le jeune homme aux vêtements si étranges. Le rose ne lui va pas - cela jure avec les flammes de ses cheveux. Moriarty a envie de lui arracher ces fripes qui ne rendent pas avec délicatesse la beauté du corps qu'il observe dessous, sans aucune pudeur ni convenance. Comme un lion observerait une gazelle. Ou un chat un rat. « T'es quoi exactement ?» qu'il lance, et cela peut vouloir dire tout et rien, tout et son contraire. Il attrape un froufrou sur une épaule et tire dessus comme si il voulait jouer, comme si il voulait voir jusqu'à quand ça tiendra avant de s'arracher. « Le rose ne te va pas au teint, ma petite souris» qu'il continue dans un murmure grave en se penchant pour approcher son visage, toujours souriant. Une souris, oui, voilà à quoi il lui fait penser, ce garçon frêle au visage si particulier. Quelque chose en lui résonne. Quelque chose en lui répond à cette présence masculine, et ce n'est pas - uniquement - le désir qui est en jeu. « Comment s'appelle le petit animal frêle et délicat, devant moi ?» fait-il comme un ronronnement de chat, rauque et implacable. Il se fiche des rumeurs et des murmures. Quand Moriarty veut, il a.
Quand t'es loin, ch'uis pas bien. J'ai b'soin d'toi, d'te toucher, de tes bras. J'veux sentir ton odeur, et prouver ma valeur. J'suis qu'un sale chat, amoureux d'un presque rat.
Moriarty n'a pas l'habitude qu'on lui résiste. Parce qu'il est grand, beau, qu'il n'est pas con et qu'il le sait, tout ça. Il joue, il attrape les gens dans ses filets, entre ses griffes, et il joue avec eux, sans réellement s'attacher. Parce que créer de vrais liens, c'est trop épuisant, et ça ne sert à rien. Mais il les laisse s'attacher à lui, c'est amusant de les voir quémander son attention. Narcissique. Un narcisse aux yeux ombrés de longs cils, et aux origines bien plus exotiques. Du bout des doigts, il désirait gouverner le monde - n'était-il déjà pas à lui de toute façon ? Il suffisait de voir les regards tournés vers lui, ceux des femmes comme des hommes, envieux, plein de désir et d'admiration. C'était exactement les émotions qu'il désirait susciter d'un long regard langoureux, de ses prunelles comme des morceaux de nuit, brisé dans le ciel obscur. Et son sourire, si blanc, si contrasté avec ses yeux, qui formait comme une lune ...
Alors quand cette petite souris de dentelles roses, aux allures frêles, recule comme pour s'écarter, c'est un rire léger qui ébranle le grand corps élancé, et pourtant si fort, si agile. Il ne bouge plus, immobile comme un animal aux aguets. « Vouvoyer les gens, c'est pour la plèbe. On vouvoie ceux qu'on croit importants » déclare t-il avec un large sourire victorieux, comme une pique cruelle. N'a t-il pas été lui-même vouvoyé ? Tout de suite, la hiérarchie qui s'instaure, comme naturelle et implacable, dans leurs deux coeurs. Il est grand, d'esprit comme de corps, et il est celui qui dévorerait la souris, froufrous de rose ou pas. Il recule la tête, fait mine de s'étonner, puis avec un large sourire, se penche comme si il voulait mieux lire le badge, approchant de nouveau l'espace intime du jeune homme. « Esteban » qu'il murmure, comme un sort, un enchantement, et de nouveau cette sensation fugace, magique, de connaître quelque chose, mais de voir s'éloigner la connaissance. Le savoir qui défile comme un fil sur lequel tirerait un chat dément. Il retient un grognement d'agacement et se redresse, réellement surpris cette fois, voire même un brin vexé.
« Oh allons » fait-il, puis sans vouloir savoir si cet Esteban le connaissait ou non, il se présente, redressé de sa haute taille, en ressemblant à une panthère noire, les éclairages offrant à son visage des ombres rendant plus profonds encore ses traits princiers. « Moriarty Sun. Acteur. Mori pour les intimes. » Il sourit, comme si c'était une invitation à cette intimité, comme si il demandait sans aucun mot : veux-tu m’appeler Mori ? Il y a de la malice dans son geste, quand il approche une main toujours sans aucune politesse et remet une boucle en place, il la caresse du bout des doigts - du bout des griffes, et il se rit du loir, qui s'endort une fois encore dans le sucre, il aimerait le réveiller, pour - et il recule soudain, comme brûlé. Il fronce les sourcils, mais son visage reprend rapidement son air affable. « Es-tu toujours accoutré ainsi, ou est-ce un rôle ? » Il s'y connait en rôles. En masques. En mensonges. Il est acteur - on ne sait jamais quand il est réel ou non. Mori est un peu comme un être de fumée, aux visages aussi multiples que ses expressions. Il fuit la vérité, et s'accroche aux affabulations qu'il peut dire. Amoureux de sa propre voix, mais pour une fois, son attention est entièrement focalisée ailleurs. Sur ce visage, il cherche le passé. « Tu me rappelles quelqu'un » qu'il fait, plus sérieusement, avant que le jeu ne reprenne dans ses yeux, et que son visage exhale un air aussi coquin et mutin que défiant. Il cherche de nouveau à approcher Esteban, frôle sa taille, son bras, son cou, sans réellement le toucher, avec ce sourire dévorant le bas de son visage. Tout crocs dehors.
Quand t'es loin, ch'uis pas bien. J'ai b'soin d'toi, d'te toucher, de tes bras. J'veux sentir ton odeur, et prouver ma valeur. J'suis qu'un sale chat, amoureux d'un presque rat.
Moriarty a été façonné ainsi. Choyé par des parents aimants, originaire de pays si différents, il a été enfant unique, et adoré comme un prince. Ses moindres caprices étaient faits, au doigt et à l'oeil. Adolescent, il apprit à mentir comme à respirer. Chacune de ses inspirations n'était qu'un peu de fioul pour ses fourberies. Il a appris à sortir les griffes, mais également à être caressant comme avec des pattes de velours. La séduction est un rouage principal du monde. Et la chance, le destin l'ont fait apollon. Alors il sourit, il ment effrontément, il fait tourner le monde, il triche et arnaque, mais qu'importe ? Les gens l'acclament pour cela. Et il aime ce frisson agréable quand les caméras, les regards et l'admiration sont posées sur lui. Même si les ondes qu'il reçoit ne sont pas toujours positives, ce qu'il veut c'est faire parler de lui, et comme l'a fait remarquer Oscar Wilde, ce qui compte c'est qu'on parle de soi, si nos ennemis répandent des rumeurs sur nous, c'est que nous sommes en train de vaincre. « Bien entendu que je suis quelqu'un d'important » qu'il ronronne, comme si on l'avait caressé dans le sens du poil. Il aurait tant d'objection cependant sur les premiers propos : être de la plèbe, c'est grouiller avec les autres. Et si Mori aime le contact, il aime quand c'est contrôlé par lui. Qu'on le pousse dans des retranchements où il ne contrôle plus rien, et vous verrez ce que dément veut dire. L'acteur jauge le gosse, parce qu'il a l'air enfantin comme ça, avec ses grands yeux brillants, aux couleurs de noix, et son air provocateur. Il aime ça, Mori. Qu'on le cherche, qu'on ne tombe pas dans ses bras de suite. Sans chasse, ce n'est pas amusant.
Ses mouvements sont observés. Esteban semble se méfier de lui - et il a amplement raison. Pourtant, les yeux de Moriarty tentent de l'ensorceler de ses prunelles, cherchant le contact de ses yeux. Il déteste instinctivement la fierté qu'il y trouve, et s'oblige à répondre pour éteindre cette étincelle. « Non, cela ne me plaît pas » qu'il réplique, aussi inéluctable que la rotation de la terre. Il reste là, avec une immobilité de statue, dans sa beauté d'albâtre. « Forcé ? Je me demande ce qu'on a pu t'offrir contre ta dignité » qu'il glisse d'un ton mielleux, pour mieux camoufler le venin de la pique. Le gosse ne lui a rien fait, mais le voilà cible du félin. L'acteur ne lâche jamais un jouet, surtout quand ils promettent d'être aussi divertissants que ce jeune homme en fleur. Il voudrait griffer, arracher ces fanfreluches ridicules. Il se demande avec une lucidité effrayante à quoi ressemble son corps maigre, et si il apprécierait si - « Hm ? » Il était dans ses pensées, à continuer de chercher à qui il lui faisait penser, et il avait à peine fait attention aux paroles. On rembobine, puis il éclate de rire, d'un rire franc et amusé. « Tu essayes de montrer les dents, petite souris ? Tu es mignon. Je peux t'assurer que, lorsque j'abandonne les gens, ils sont parfaitement satisfaits de ce que je leur ai apporté. De ce que je leur ai fait » vient-il murmurer en s'approchant de nouveau dangereusement. Mais il y a comme une menace sous les propos. Il n'aime pas qu'on le pousse trop. « Si je te connaissais, je me rappellerais de toi. J'ai une très bonne mémoire des corps. Le tien est trop maigrelet pour passer inaperçu. La souris n'a pas fait de réserves pour l'hiver ? » D'un geste il arrache un froufrou. Avec brusquerie, presque sauvagerie, et il amène le bout de tissu pour sentir l'odeur avec un air animal et un sourire féroce. « C'est toi qui as fait les gâteaux ? » il demande en se servant sans se gêner, et il mord dedans. Il ne s'attendait pas à la farandole de saveurs, et ses traits s’adoucissent un instant avant de reprendre ce masque habituel. « Il faut croire que tu es bon dans quelque chose, faute d'avoir de la répartie, ma petite souris. » Il hausse les épaules et croque de nouveau dans le gâteau, les yeux rieurs posés sur le jeune homme. Va t-il fuir ? Je te suivrais, hurlent ses yeux. Comme une ombre. Il veut le pousser, hors de ses limites, et voir de sous les rôles que se donnent Esteban. Il veut le toucher, et c'est un besoin viscéral, plus impérieux que le besoin même de respirer. Il attrape son poignet, son autre main tenant la moitié de pâtisserie, et il reste là, hésitant à l'amener plus loin, loin des regards, ou à le coller immédiatement au mur, à l'amener contre lui, contre son torse, pour entendre le rythme de son petit coeur affolé.
Quand t'es loin, ch'uis pas bien. J'ai b'soin d'toi, d'te toucher, de tes bras. J'veux sentir ton odeur, et prouver ma valeur. J'suis qu'un sale chat, amoureux d'un presque rat.
L'humain aime désirer ce qu'il ne peut avoir : dans ses rêves grandiloquents, il retrouve l'âme pitoyablement humaine, et ses espoirs, brisés d'avance, il les ramasse à grands gestes délicats, peu importe combien les arrêtes tranchantes entaillent la peau fine. Moriarty pourrait facilement se trouver d'autres compagnons, d'autres compagnes : la beauté fascine autant qu'elle attire. Pourtant c'est vers cet être à la beauté diaphane, au contrario de la sienne plus ténébreuse, qu'il va. Il est indiscutablement attiré par ce corps malingre et jeune. Malgré toutes ses répliques féroces comme des coups de fouet, il respire l'air proche d'Esteban et quelque chose dans ses effluves forment des flashs dans son coeur. Un goût de sucre, des rires et des couleurs floues. Il aime la sensation de plénitude que cela lui apporte - un sentiment qu'il a peu l'occasion d'expérimenter. Il continue donc de couver du regard le jeune homme à peine sorti de l'adolescence. Oui il est maigre, au point qu'il pense qu'il pourrait sentir ses os sous sa peau. Mais son visage a des traits délicats, et ses cheveux, cette forme de boucle aux reflets de miel et de feu, cette chevelure est un appel aux caresses. Moriarty sait voir la beauté aux autres - une des rares qualités qu'il a. Il penche la tête de côté, en prenant en compte avec lucidité ce que lui dit le pâtissier. « Peut-être. Mais n'est-ce pas Nietzsche qui a dit : La vanité d’autrui n’offense notre goût que lorsqu’elle choque notre propre vanité ? Ce n'est pas si mal que cela de se surestimer, quand on en voit tant qui se sous-estiment. La confiance attire les gens. » La preuve, malgré qu'il le malmenât, la souris n'était toujours pas enfuie dans son trou qu'était la cuisine, au milieu de ses vapeurs et de ses odeurs de nourriture. Moriarty n'a pas peur de la vérité - il sait qu'il est plein de vanité et d'orgueil. Il l'accepte même avec une simplicité presque enfantine. « Le client n'est-il pas roi ? Ce serait dommage de perdre un consommateur - je me plais bien, ici. Et je préfère mon thé froid. Je déteste le gâchis - je ne laisserai rien, ne t'inquiètes pas. » Un soupçon d'amusement - comme si il essayait de dire qu'il ne laisserait pas non plus en paix le pauvre Esteban.
Il ne s'attendait pas à cette réponse. Un dé à coudre ? Ridicule, qu'il a envie de cracher, de jeter à son visage, mais le sourire en coin le fait se taire - inhabituel. Il ravale les mots acides qu'il allait dire et le laisse savourer sa récompense, alors que l'acteur ne saisit pas. Alors que le terrain se fait moins glissant pour lui, il en profite pour rebondir, toujours sur ses pattes, comme les chats. « Tu es trop jeune pour savoir - se laisser faire parfois, même si l'on sait que cela blesse, peut-être extrêmement bienfaiteur. » Il prend un air mystérieux - et si ses mots peuvent sonner creux, malsains ou pervers, il y a ce son dans sa voix, le timbre du sage, comme l'écho d'un chat qui aurait conseillé une petite fille sur la manière dont elle devait aider à sauver un pays tout entier. Mori voit la blessure fraîche portée par ses mots brûlants, et le pauvre gosse qu'il calcine de sa langue acérée. « Si ça peut te faire plaisir. » L'argent n'a aucune importance. Il pourrait vivre n'importe où - il a certes pris un train de vie luxueux, mais il sait qu'il pourrait se débrouiller. N'importe comment, Moriarty sait survivre et vivre, avec ce panache et cette élégance intrinsèques à sa nature. Il s'impatiente, le chat. Il empoigne le bras, et alors que le gosse se plaint, il l'attire dans la cuisine sans ménagement. D'un coup d'épaule il ouvre les portes et plaque Esteban avec une presque douceur contre un mur. Quelques bibelots tombent et roulent sans se casser, mais aucun n'attire l'attention de l'acteur. Il se penche, et pose ses yeux aux reflets bleus, violets, verts, changeant à chaque battement de cil, dans le regard aussi brun qu'une fourrure de loir. Leurs cils pourraient presque se toucher, mais si l'acteur ressent toujours ce désir dans le creux de son ventre, il est soudain très sérieux. « Pourquoi ai-je le souvenir ... brumeux ... de ... D'un sucrier, et d'un loir s'endormant ? » qu'il fait d'une voix basse, qui n'a plus rien d'un jeu. Il est curieux, réellement surpris, et il relâche soudain son emprise en réalisant que ses ongles comme des griffes ont laissé de légères marques. Il ne s'excuse pas - il ne sait pas comment faire.
Il tourne sur lui-même comme un lion en cage et fait bouger ses doigts dans l'air, comme pour tâter l'air. Il a un air de chat, comme si il malaxait un coussin ou qu'il jouait du piano. Il reprend ses esprits, et se tourne vers Esteban. « L'attraction, comme deux planètes, prêtes à se heurter dans un bruissement interstellaire. » Il a le visage grave, et en quelque seconde il est de nouveau contre Esteban, ayant accroché ses hanches, son torse collé à celui du jeune homme. Ce contact émet un soulagement indistinct dans le corps de Moriarty, comme si il avait de la fièvre et qu'Esteban était de la glace. Il l'enlace, le serre contre lui, passe ses doigts dans sa chevelure, et en se reculant, satisfait, lèche sa joue - le léger goût de sa peau est vaguement sucré, peut-être à cause de la pâtisserie qu'il a faite. Il frissonne encore, comme un lion après une chasse. Il ressent cette envie plus forte que tout, de continuer à le toucher. Que lui a t-il fait pour l'envoûter ainsi ? Il est à présent à moitié voûté, méfiant - il n'agit jamais de cette façon, et il a l'impression de perdre pied dans la mer des yeux du gosse. « T'es maigre. T'es pas grand, et tes cheveux cachent ton visage. Le rose ne te va pas. » Et les mots sortent de ses lèvres avec une vérité comme des griffes qui lacèrent. « Mais t'es beau. » Presque à contrecoeur. Il soupire et s'avance dans la cuisine comme pour balayer son propre compliment. « T'as quel âge ? Dix huit ans ? Peut-être un peu plus, vu que tu bosses. Pâtissier ... T'aimes le sucre, faut croire » qu'il s'amuse en touchant un peu à tout, bibelots, objets dans la cuisine, comme un chat qui se frotterait partout pour marquer son territoire.
Quand t'es loin, ch'uis pas bien. J'ai b'soin d'toi, d'te toucher, de tes bras. J'veux sentir ton odeur, et prouver ma valeur. J'suis qu'un sale chat, amoureux d'un presque rat.
Mori est un homme qui a des intérêts volages, et il se lasse vite. Des gens, de ses propres loisirs, d'une musique. Il ne saisit pas la référence au dé à coudre, car si il connait le conte de Peter Pan, il n'a jamais vu le film. Si on lui donnait la clé de ce savoir, il trouverait ça niais et idiot. Trop sentimental à son goût. « Je ne sais pas comment faire, et cela ne m'intéresse pas d'être humble. Ce sont les perdants qui parlent d'humilité. » Il juge avec sa langue comme un couperet acéré, entre ses dents qui, l'espace d'une seconde, semblent être de petits crocs. L'asiatique a un rire à peine étouffé - Esteban ne serait pas le premier à lui en vouloir pour quelque chose, et sûrement pas le dernier. Il s'en fiche. Il n'aime pas le gâchis mais il serait presque prêt à énerver le pâtisser en délaissant tout ce qu'il a commandé d'un air impérieux. Juste pour voir une étincelle de colère, ou peut-être une lueur de mépris dans ses beaux iris comme deux noisettes luisantes. Il y a comme un éclair qui traverse l'acteur - je me suis trop souvent laissé faire. Les mots en suspens, et l'âme suspendue à ce visage qui a sûrement dû connaître bien plus de tragédie que ce qu'il semblerait au premier abord. Un élan de curiosité. Un peu malsaine, pour goûter au malheur des autres, mais en grande partie une curiosité pure, à la recherche de l'autre. C'est peut-être ça aussi qui le pousse à plus d'intimité. Il veut avoir un endroit à eux deux, sans le regard inquisiteur des clients.
Chacun de ses mouvements est comme une danse savamment orchestrée. Il n'y peut rien - c'est naturel chez lui, cette grâce quasi-féline. Mais il admire la retenue du gosse. Il semble tétanisé, mais il tient bon sur ses deux jambes. Le chat rôde, et si il tremble, il ne fuit pas. Moriart profite de la faille. Contact comme un choc, comme si il avait attendu ça depuis des millénaires. Immédiatement, la tension en lui s'apaise étrangement, comme si on lui caressait le dos. Il a envie de rester ainsi, collé contre ce gamin, ce bout de rien, mais ça ne serait pas sain. Alors il se décolle, presque contre sa volonté. Savourant le goût sur ses lèvres et le bout de sa langue. Il se détourne, avec une pudeur bizarre. Il accepte le compliment, avec simplicité, d'un hochement de tête, et voit Esteban s'écrouler à moitié au sol, en glissant jusqu'en bas. Il glisse un coup d'oeil, interrogatif, mais mis à part le pourpre éclos sur ses joues, il n'a pas l'air de souffrir. Moriarty continue de faire de cette cuisine l'un de ses territoires. Il joue avec un pilon de mortier, le fait tourner, en écoutant les mots de Esteban. Avec un sourire amusé, il déclare : « Peut-être qu'au contraire, j'ai tout à y faire. » C'est n'importe quoi, mais il ne s'est jamais senti mieux à sa place qu'ici. Mais ça n'a rien à voir avec la cuisine - ce salon de thé, il y a comme des vibrations qui résonnent dans tout son être. Il s'assoit sur un tabouret, avec une grâce inhumaine, et demande : « Tu veux que je t'aide à te relever ? » Est-ce que le gosse a aimé son contact ? Est-ce qu'il sera tiraillé entre sa propre faiblesse, et l'envie de sentir ses mains fermes le remettre debout ? Un nouveau petit sourire mutin. « J'ai envie de te voir cuisiner. Je suis mauvais cuisinier, moi-même. Et si tu y tiens tant que ça, je payerai pour ma présence » fait-il d'une voix atone, comme si il pouvait faire pousser les billets. Parler d'argent est d'un ennui. Mais il sait que le gosse allait se plaindre, protester. Peut-être qu'en causant billets verts, il sera plus amical. Peut-être pas. « Tu es pâtissier. Pourquoi ? Par amour des gâteaux ? » Il a réussi à chasser l’amusement cruel de sa voix : si le gosse aime le sucre, ça se voit pas sur ses fesses en tout cas. « D'où tu viens ? » Qu'est-ce que tu es ? Il enferme cette interrogation entre ses lèvres comme on retiendrait la queue d'une cerise. C'est malpoli - et puis, c'est une petite souris, non ? « Tu n'as pas l'habitude qu'on s'intéresse à toi, hm ? » fait-il d'une voix onctueuse, caressante, comme pour signifier que, peu importe, lui-même s'intéresse, au point de vouloir lui poser maintes questions. Il a pas l'habitude Mori. Habituellement, c'est lui qu'on questionne, c'est lui le centre de l'attention. Ce n'est pas désagréable, de braquer les feux de ses yeux sur autre chose que lui.